Ecrire une icône est un chemin comportant de nombreuses étapes.
Tout, dans l'icône, est symbolique, et donc porteur d'un sens profond. Au-delà de la représentation elle-même, cela inclut le choix des matériaux et certaines techniques de peinture employées.
Le support de l'icône est une planche de bois non résineux (du tilleul pour les icônes peintes à l'atelier). La planche est souvent creusée. Les bords constituent alors un cadre pour l'icône, qui la protège, et déterminent une "autre dimension" : dans la zone creusée viendra apparaître une représentation "d'une autre dimension" : divine.
Si la planche excède un certain format, elle comporte à l'arrière deux traverses de bois plus dur, qui permettront d'éviter qu'elle ne se déforme ou se fissure.
La planche est préparée avant de recevoir le dessin et la peinture. On y applique, avec une colle de peau de lapin, un tissu fin symbolisant le linceul du Christ. Ce tissu a un rôle important : il va permettre une bonne adhésion de l'enduit, et empêchera celui-ci de se décoller quand la planche "travaillera".
Ensuite, l'enduit de colle de peau et de craie de Champagne, appelé levkas, est étalé en 12 fines couches sur la planche, en respectant des durées de séchage entre chaque couche. Enfin, on ponce finement.
En iconographie on emploie la peinture a tempera : le liant des pigments est constitué par du jaune d'oeuf dilué avec de l'eau. La peinture a tempera sèche très vite, et sa solidité s'accroît avec le temps.
Le dessin, travaillé au préalable, peut être tracé sur la planche. Les contours des zones prévues pour l'or sont gravés, et l'or est appliqué en premier. J'utilise, pour la dorure, des feuilles d'or 22,5 carat. L'or est la plus lumineuse des couleurs, presque lumière elle-même ; il est utilisé particulièrement pour les nimbes (auréoles) et symbolise le ruissellement de la vie divine.
Les pigments sont naturels : minéraux ou organiques (d'origine végétale ou animale). Les matériaux de base de l'icône proviennent de la création tout entière : parce que celle-ci a été créée par Dieu qui nous l'a donnée ; parce que c'est notre matière elle-même que le Verbe a voulu assumer ; et enfin parce que la création est destinée à être transfigurée.
"Dans leur ensemble, les matériaux de base représentent un maximum de participation du monde visible à la création de l'icône. (...) Les matériaux essentiels sont pris dans leur état naturel et ne sont que purifiés et travaillés. L'homme, par le travail de ses mains, les amène à servir Dieu. Ici, les paroles de David dites lors de la bénédiction des matériaux préparés pour la construction du Temple, "Car tout vient de toi et c'est de ta main même que nous t'avons donné" (1 Ch 29, 14), sont encore plus applicables à l'icône où la matière sert à manifester l'image divine." (Léonide Ouspensky, Le sens des icônes)
Ainsi, on retrouve dans l'icône le minéral (or, craie, pigments tels que terres), le végétal (bois, pigments, coton et lin du tissu), l'animal (pigments, colle de peau, oeuf, gomme laque du vernis...).
Contrairement à la peinture "classique" où l'on part du plus clair pour poser ensuite des ombres de plus en plus accentuées, pour une icône on recouvre d'abord toute la surface par les tons les plus unis et foncés (c'est l'ouverture) sur lesquelles on fait monter les lumières. En effet, cela exprime que Dieu est lumière, et que son Incarnation est la venue de la lumière dans le monde.
Pour finir, sur certains endroits (vêtement du Christ, ailes des anges...) on peint de fins traits d'or appelés assist.
Sur la photo ci-contre, l'ouverture a été faite, ainsi que les premiers éclairages du visage. Les couleurs du visage sont composées de pigments issus de la terre (ocre jaune, terre d'ombre), en référence à la création d'Adam.
Une fois les visages peints, les vêtements et décors sont peints. On termine par le ciel (le fond) et enfin l'icône reçoit les inscriptions indispensables qui constituent son nom, ainsi que son tour rouge symbolisant l'Esprit-Saint.
L'icône n'est achevée qu'après avoir été bénie. Le prêtre se réfère aux magnifiques textes de bénédiction des représentations du Christ, de la Vierge Marie ou des saints, prévus dans le Rituel des bénédictions.
Ensuite, l'icône peut être vénérée dans la maison ou l'église, inspirer la prière de ceux qui la contemplent, soutenir la catéchèse. Elle est "fenêtre sur le Royaume", et "petit apôtre" en ce monde.
Toi, Maître divin de tout ce qui existe,
éclaire et dirige l'âme, le coeur et l'esprit
de ton serviteur ;
conduis ses mains afin
qu'il puisse représenter dignement et parfaitement
Ton image, celle de Ta Sainte Mère
et celle de tous les saints,
pour la gloire, la joie
et l'embellissement de Ta Sainte Eglise.
Prière de l'iconographe
Une icône pas à pas : Mère de Dieu de la Passion
Sur la planche préparée avec le levkas (application d'une toile de lin, puis de 12 couches d'enduit de craie de Champagne et de colle de peau) et soigneusement poncée, le dessin est effectué à la mine rouge puis au pinceau. Les lignes démarquant les zones destinées à être dorées sont gravées.
Le sankir est posé en premier : c'est la couleur de base, assez foncée, des carnations.
Le moment de la dorure est venu. L'assiette à dorer, de couleur ocre rouge, est posée, puis poncée. Sur la mixtion à l'huile, les feuilles d'or libre sont déposées. Le surplus est ensuite enlevé, et les débords grattés à la lame.
Viennent ensuite les éclairages successifs des visages.
Fin de la peinture des carnations, avec les mains et les pieds, puis les visages des anges.
Le dernier éclairage, ici, est constitué par les ogivki : fins traits d'or (pose à la feuille sur un très fin trait de colle). On pose les repères à l'ocre jaune, puis les ogivki sont réalisés, ici sur le manteau de la Vierge, les vêtements du Christ, les ailes des anges. Le talc de Venise permet de protéger les zones peintes.
Application de la couleur de base du manteau de la Vierge : toujours, comme pour les carnations, du plus foncé au plus clair. Ensuite, les plis sont marqués, puis éclairés. On fait ensuite de même avec les autres vêtements.
Il ne reste plus qu'à peindre les écritures, ainsi que le tour rouge de l'icône. Après un séchage d'un mois, une dernière couche d'émulsion à l'oeuf sera appliquée.
Dimensions de cette icône : 23x28 cm.
Une icône pas à pas : saint Joseph
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