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Icône de la Nativité, école de Roublev, début 15ème s. Galerie Tretiakov, Moscou.

Comprendre

     « Ce que l’Evangile nous dit par la Parole, l’icône nous le montre et nous le rend présent. »[1] Ainsi, tout dans l’icône –couleurs, représentations, symboles- a un sens profond.

L’Incarnation est le fondement de l’icône. « Toute l’icône parle d’un Dieu fait Homme afin que l’homme devienne Dieu ». En effet, depuis que Dieu a « assumé la chair et la matière dans l’Incarnation, depuis que celles-ci ont été transfigurées dans la lumière de la Résurrection et ont été élevées à la participation à la vie divine dans l’Ascension »[2], nous pouvons représenter son image.

Ainsi, l’icône de la Nativité revêt une importance particulière.

 

     « Le contenu de l’icône de la Nativité du Christ présente deux aspects : avant tout elle révèle l’essence même de la fête, le fait de l’Incarnation réelle de Dieu, elle nous place devant le témoignage visible du dogme fondamental de la foi chrétienne, en soulignant par ses détails à la fois la divinité et l’humanité du Verbe incarné. En second lieu l’icône de la Nativité nous montre l’effet de cet événement sur la vie naturelle du monde créé et donne, en quelque sorte, une vue d’ensemble de toutes ses conséquences. Car, selon saint Grégoire de Naziance, la Nativité n’est pas la fête de la création, mais de la re-création (Homélie 38. Sur la Nativité), une rénovation qui sanctifie l’univers entier. L’Incarnation de Dieu donne à l’univers un sens nouveau qui est le but et la raison d’être de son existence : sa transfiguration à venir. »[3]

 

     Au centre de l’icône, l’Enfant Jésus est couché dans une mangeoire ressemblant à un tombeau, et ses langes évoquent le linceul, préfigurant la passion à venir.

« Cet enfant est né pour mourir, pour donner sa vie, cet acte (…) est le chemin vers l’Anastasis (Résurrection, en grec). De même, nous sommes nés pour mourir –nous sommes tous en chemin depuis notre naissance vers notre mort- mais, par la puissance du don, nous pouvons métamorphoser cet « être-pour-la-mort » en « être pour l’Amour », sachant qu’une vie donnée ne peut plus nous être prise et que l’Amour, plus fort que la mort, donne la vie. (…) La tache blanche et or de l’enfant enveloppé d’un suaire sur « l’autel-tombeau » se situe loin de tout le sentimentalisme qui accompagne la naissance d’un bambino. C’est la mission même du Christ qui est rappelée ici : il est né pour mourir et ressusciter. »[4]

 

     La Vierge Marie a une position centrale, imposante aussi par sa taille[5]. Dans cette icône de la re-création, Marie est la « nouvelle Eve ». Elle est couchée, comme toute femme venant de mettre au monde son bébé : même si elle ne connut pas les souffrances de l’enfantement, du fait de son Immaculée Conception, cette représentation montre que l’Incarnation n’est pas qu’apparente. Marie repose sur une sorte de litière de tissu rouge symbolisant l’Esprit-Saint. La couleur pourpre de ses vêtements souligne également sa dignité de Mère de Dieu. Elle n’est pas tournée vers son Fils mais vers ceux qui regardent l’icône.

 

     Tout premiers avertis de la naissance du Sauveur, deux bergers s’avancent dans la confiance et la foi, à droite ; et les Mages, en haut à gauche, cheminent par un chemin plus long qui est celui de la recherche et de la connaissance de Dieu. « Leur longue marche et la pure fidélité à l’Etoile les mènent à découvrir que Celui qu’ils cherchaient au loin, très haut dans les astres, dort sur la paille. »[6]

Ils représentent les trois âges de la vie : un homme jeune, un homme mûr, un homme âgé.

 

     En bas à gauche, saint Joseph est méditatif et subit passagèrement la tentation du doute. Ce détail indique que « dans la Nativité de Notre Seigneur, l’ordre de la nature est vaincu. »[7] Un vieillard courbé et vêtu de peaux de bête représente le diable qui vient le tenter : « Cette conception virginale n’est-elle pas impossible ? » semble-t-il lui souffler. « Dans la personne de Joseph l’icône nous révèle non seulement un drame personnel, mais celui de toute l’humanité, la difficulté d’admettre ‘ce qui dépasse la parole et la raison’, l’Incarnation de Dieu. »[8]

Cette attitude de saint Joseph sur les icônes de la Nativité vise seulement à symboliser des difficultés de foi que nous tous, hommes, pouvons rencontrer devant les merveilles de Dieu, et elle ne doit pas être comprise d’une manière réductrice. Dans les Evangiles, Joseph est décrit comme « un homme juste » (Mt 1, 19), c’est-à-dire ajusté à la volonté de Dieu, qui « fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit » (Mt 1, 24) et prit chez lui Marie, son épouse. Il est véritablement « le serviteur fidèle que le Seigneur a établi sur sa famille ». 

« Dieu tout-puissant, à l’aube des temps nouveaux, tu as confié à saint Joseph la garde des mystères du salut », nous dit l’oraison de la fête de saint Joseph le 19 mars.

 

     Les sages-femmes, en bas à droite, baignent l’enfant. Leur présence souligne toute l’humanité de cette naissance, le réalisme de l’Incarnation : le Seigneur est comme tous les nouveaux-nés et a besoin d’être lavé et habillé.

 

     Dans le registre supérieur de l’icône se trouvent les anges. A gauche, ils adorent Dieu ; à droite, ils annoncent au monde la grande nouvelle de la Nativité.

 

     Le décor de cet icône est fort intéressant.

En haut, au milieu, le ciel s’ouvre (« une sphère qui dépasse les limites de d’icône et représente symboliquement le monde céleste »[9]) et un rayon vient l’unir à la terre en la personne du Christ. Les montagnes sont largement présentes, et on notera qu’elles sont assez escarpées et comme en mouvement. « Ici, la terre n’est pas lisse et tranquille ; ce n’est pas un témoignage topographique des environs de Bethléem, mais le signe que la terre aussi est visitée : comme une pâte qui a reçu du levain, elle commence à se soulever et à fermenter. »[10]

Le monde animal et végétal est aussi présent pour accueillir en son sein le Sauveur : le bœuf et l’âne de la crèche, les bêtes gardées par les bergers, de nombreux arbres et plantes. Toute la création est là.

Enfin, le Christ, couché dans une grotte, se détache sur un fond noir. La grotte, véritable trou béant dans cette icône, symbolise les ténèbres de l’homme –matérielles et spirituelles- que Dieu vient illuminer, « le monde d’ici-bas frappé par le péché par la faute de l’homme, et où se lève le Soleil de justice »[11].

 

"Seigneur, tu as fait resplendir cette nuit très sainte des clartés de la vraie lumière ; de grâce accorde-nous, qu'illuminés dès ici-bas par la Révélation de ce mystère, nous goûtions dans le Ciel la plénitude de sa joie." [12]

 

 

 

[1] IVe Concile œcuménique de Constantinople, 870

[2] Michel Quenot, L’Icône, fenêtre sur le Royaume, p. 6

[3] Leonide Ouspensky, La Nativité du Christ, in Le sens des icônes p. 143

[4] Jean-Yves Leloup, L’Icône, une école du regard, pp. 45-46

[5] Dans les icônes, la taille des personnages est fonction de leur importance et non des lois de la perspective ; de même, le temps linéaire n’existe plus et plusieurs événements espacés dans le temps peuvent être représentés ensemble, car leur sens se trouve ainsi mis en évidence.

[6] Jean-Yves Leloup, L’Icône, une école du regard, p. 45

[7] Leonide Ouspensky, op. cit.,  p. 146

[8] Leonide Ouspensky, op. cit., p. 147

[9] Leonide Ouspensky, op. cit., p. 144

[10] Jean-Yves Leloup, op. cit., p. 46.

[11] Leonide Ouspensky, op. cit., p. 146

[12] Messe de la nuit, 24 décembre

Explication de l'icône de Noël - icône de la Nativité

Prier

« Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire… »

Jn 1, 14

 

 

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle. »

Jn 3, 16

 

 

« Voici venue la plénitude des temps : Dieu a envoyé son Fils sur la terre. »

Ga 4, 4 (antienne d’ouverture de la messe du matin du 24 décembre)

 

 

« Marie, cependant, méditait tous ces événements et les méditait dans son cœur. »

Lc 2, 19

 

 

« Les mystères du christianisme forment un tout indivisible. Si l’on se plonge dans l’un on est conduit à tous les autres. C’est ainsi que le chemin de Bethléem mène immanquablement au Golgotha, de la crèche à la croix. Celui qui appartient au Christ doit vivre toute la vie du Christ, et un jour, lui aussi, entamer son chemin de croix, vers Gethsémani et vers le Golgotha. (…)

Celui qui fait de l’Eucharistie son pain quotidien renouvelle en lui chaque jour le mystère de Noël. »

Edith Stein (sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix), La crèche et la croix

 

 

« Dieu n’est pas un être lointain, qui contemple avec indifférence le sort des hommes : leurs aspirations, leurs luttes, leurs angoisses. C’est un Père qui aime ses enfants au point d’envoyer le Verbe, Seconde Personne de la Très Sainte Trinité, pour que, en s’incarnant, Il meure pour nous et nous rachète. C’est ce même Père aimant qui nous attire maintenant doucement à Lui, par l’action du Saint-Esprit qui habite en nos cœurs. »

Saint Josémaria Escriva, Quand le Christ passe 84

 

 

« Remarquez ici l’insigne Providence de Dieu, qui a conduit à lui les diverses personnes par des moyens différents. Les mages virent une étoile. Et que firent-ils à cette vue ? Aussitôt, ils s’engagent dans un chemin dont ils ne voient pas le terme, et suivent l’astre, en laissant derrière eux leurs femmes, leurs enfants et leurs jouissances domestiques. Ni les rigueurs de la saison, ni les difficultés de la route ne les arrêtent. Faisant fi de toutes ces choses, ils se disposent sans délai au départ.

Voici que des mages viennent de l’Orient !

Bienheureux, en vérité, ceux qui répondent ainsi, sans tarder, à « l’appel de Dieu » ! Et par quelle variété de moyens, mes frères, ne nous appelle-t-Il pas sans cesse ! Il nous appelle par des fléaux, par des bienfaits, par des présents ; Il nous appelle par des promesses, par nos dangers propres et par les exemples des autres. Je dirai plus : Il nous appelle par les péchés eux-mêmes ; et il ne faut pas nous en étonner puisque, dans sa sagesse infinie, Dieu tire le bien du mal. »

Saint Charles Borromée

 

 

« J’ai découvert un Dieu qui se manifestait dans le regard de l’enfant. Le Dieu de Jésus qui est petit. Un Dieu qui veut –cela peut vous paraître bizarre !- qu’on le prenne dans ses bras. Dans nos bras. Un Dieu humble. C’est aussi ce texte du livre de l’Apocalypse : « Je me tiens à la porte et je frappe, celui qui entend et qui m’ouvre, j’entre pour devenir son ami » (3, 20). Ce Dieu qui ne s’impose pas, qui attend. Qui dit à Marie : « Tu vas devenir la Mère du Sauveur », et qui a besoin qu’elle dise oui. Un Dieu qui se soumet à notre liberté. Plus j’avance, plus je suis touché par cette petitesse de Dieu qui dit : « J’ai besoin que tu m’aimes. »

Jean Vanier

Prière devant l'icône de Noël - icône de la Nativité

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